(Français) 100 Ans de Honte : L’annexion de la Palestine a Commencé a San Remo
ORIGINAL LANGUAGES, 18 May 2020
Ramzy Baroud | Investig'Action - TRANSCEND Media Service
18 Mai 2020 – Porté par le soi-disant accord du siècle de Donald Trump, Benyamin Netanyahou se prépare à annexer de nouveaux territoires palestiniens. L’histoire se répète-t-elle? Il y a cent ans déjà, les représentants de quelques puissants pays se sont réunis dans une ville endormie de la Riviera italienne pour sceller le sort des vastes territoires confisqués à l’Empire ottoman après sa défaite lors de la Première Guerre mondiale.
Il y a cent ans, les représentants de quelques pays puissants se sont réunis à San Remo, une ville endormie de la Riviera italienne. Ensemble, ils ont scellé le sort des vastes territoires confisqués à l’Empire ottoman après sa défaite lors de la Première Guerre mondiale.
C’est le 25 avril 1920 que la résolution de la Conférence de San Remo a été adoptée par le Conseil suprême des Alliés issu de la Première Guerre mondiale. Des mandats occidentaux ont été instaurés sur la Palestine, la Syrie et la « Mésopotamie » — autrement dit l’Irak. Ces deux derniers pays ont été théoriquement désignés pour jouir d’une indépendance provisoire, tandis que la Palestine était accordée au mouvement sioniste pour y établir une patrie juive.
« Le mandataire sera chargé de mettre en œuvre la déclaration (Balfour) émise à l’origine le 8 novembre 1917 par le gouvernement britannique et adoptée par les autres puissances alliées, en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif », peut-on lire dans la résolution.
La résolution a conféré une plus grande reconnaissance internationale à la décision unilatérale de la Grande-Bretagne, prise trois ans plus tôt, d’accorder la Palestine à la Fédération sioniste dans le but d’établir une patrie juive, en échange du soutien sioniste à la Grande-Bretagne pendant la Grande Guerre.
Et, comme dans la déclaration Balfour britannique, les malheureux habitants de la Palestine, dont la patrie historique était injustement confisquée et remise aux colons, n’ont fait l’objet que d’une mention superficielle.
La création de cet État juif, selon la conférence de San Remo, reposait sur un vague « accord » selon lequel « rien ne doit être fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existantes en Palestine ».
Cet ajout n’était qu’une piètre tentative de paraître politiquement équilibré, alors qu’en réalité aucun mécanisme n’a jamais été mis en place pour garantir que l’« accord » soit respecté ou appliqué.
En fait, on pourrait dire que le long engagement de l’Occident dans la question d’Israël et de la Palestine a suivi le modèle de San Remo : on accorde ses objectifs politiques au mouvement sioniste (et pour finir à Israël) sur la base de conditions inapplicables qui ne sont jamais respectées ou mises en œuvre.
Remarquez que la grande majorité des résolutions des Nations unies relatives aux droits des Palestiniens sont adoptées par l’Assemblée générale, et non par le Conseil de sécurité, où les États-Unis sont l’un des cinq pays disposant du droit de véto. Et ils toujours prêts à torpiller toute tentative de faire respecter le droit international.
C’est cette dichotomie historique qui a conduit à l’impasse politique actuelle.
Les uns après les autres, les dirigeants palestiniens ont lamentablement échoué à changer ce paradigme étouffant. Des décennies avant la création de l’Autorité palestinienne, d’innombrables délégations, composées de personnes prétendant représenter le peuple palestinien, se sont rendues en Europe, faisant appel à l’un ou l’autre gouvernement, plaidant la cause palestinienne et demandant justice.
Qu’est-ce qui a changé depuis lors ?
Le 20 février dernier, le gouvernement de Donald Trump a publié sa propre version de la déclaration Balfour, intitulée « l’accord du siècle ».
La décision américaine, qui bafoue une fois encore le droit international, ouvre la voie à de nouvelles annexions coloniales israéliennes de la Palestine occupée. De façon éhontée, elle menace les Palestiniens de sanctions sévères s’ils ne coopèrent pas. En fait, punis, ils l’ont déjà été lorsque Washington a coupé tout financement à l’Autorité palestinienne et aux institutions internationales qui fournissent une aide essentielle aux Palestiniens.
Comme dans la Conférence de San Remo, la Déclaration Balfour et de nombreux autres textes, Israël a été prié, toujours aussi poliment mais sans aucun plan pour faire appliquer ces demandes, de concéder aux Palestiniens quelques manifestations symboliques de liberté et d’indépendance.
Certains pourraient soutenir, à juste titre, que « l’accord du siècle » et la résolution de la conférence de San Remo ne sont pas identiques, dans le sens où la décision de Trump est unilatérale, tandis que celle de San Remo était le résultat d’un consensus politique entre divers pays — la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et d’autres.
C’est vrai, mais il faut tenir compte de deux points importants : premièrement, la déclaration Balfour était aussi une décision unilatérale. Il a fallu trois ans aux alliés de la Grande-Bretagne pour accepter et valider la décision illégale prise par Londres d’accorder la Palestine aux sionistes. La question qui se pose maintenant est de savoir combien de temps il faudra à l’Europe pour revendiquer « l’accord du siècle » comme le sien.
Deuxièmement, toutes ces déclarations, promesses, résolutions et « accords » sont rédigés dans le même esprit, c’est-à-dire que les superpuissances décident, au nom de leur énorme influence, de réorganiser les droits historiques des nations. D’une certaine manière, le colonialisme d’autrefois n’est jamais vraiment mort.
À l’Autorité palestinienne, comme aux directions précédentes, on présente toujours la carotte et le bâton. En mars dernier, le gendre du président américain Donald Trump, Jared Kushner, a déclaré aux Palestiniens que s’ils ne reprenaient pas les négociations (inexistantes) avec Israël, les États-Unis soutiendraient l’annexion de la Cisjordanie par l’État sioniste.
Depuis près de trente ans maintenant et certainement depuis la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, l’Autorité palestinienne a choisi la carotte. Maintenant que les États-Unis ont décidé de modifier complètement les règles du jeu, l’autorité de Mahmoud Abbas est confrontée à la plus grave menace existentielle qu’elle a connue : s’incliner devant Kushner ou insister pour revenir à un modèle politique mort, qui a été construit, puis abandonné, par Washington.
Israël aborde avec une lucidité totale la crise au sein de la direction palestinienne. Le nouveau gouvernement de coalition israélien, composé des anciens rivaux du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou et Benny Gantz, a provisoirement convenu que l’annexion de grandes parties de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain n’est qu’une question de temps. Ils attendent simplement que les Américains leur fasse un signe.
Ils ne devront probablement pas attendre longtemps, car le secrétaire d’État, Mike Pompeo, a déclaré le 22 avril que l’annexion des territoires palestiniens est « une décision israélienne ».
Franchement, cela n’a pas grande importance. La déclaration Balfour du XXIe siècle est déjà là ; il s’agit seulement d’en faire la nouvelle réalité incontestée.
Il est peut-être temps que les dirigeants palestiniens comprennent que ramper aux pieds de ceux qui ont hérité de la résolution de San Remo, qui construisent et perpétuent un Israël colonial, n’est pas la bonne réponse et ne l’a jamais été.
Il est peut-être temps d’y réfléchir sérieusement.
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Source: Politics for the People – Ramzy Baroud
Traduit par Diane Gilliard pour Investig’Action
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