(Français) Roms: pourquoi sont-ils aussi haïs?
ORIGINAL LANGUAGES, 1 Apr 2019
Aidan McGarry – The Conversation
Les Roms sont l’un des groupes les plus marginalisés et les plus persécutés en Europe, et les attitudes anti-Roms sont en hausse.
Dans de nombreuses sociétés, il est parfaitement acceptable de les dénigrer en invoquant des traits et caractéristiques négatifs que tous les Roms sont censés posséder (criminalité, délinquance, mode de vie parasitaire…).
La romophobie est manifeste dans le discours de haine prononcé par le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Salvini, qui a appelé au profilage ethnique des Roms, mais aussi dans les attaques de néo-nazis qui ont détruit des maisons et tué d’innocents Roms en Ukraine, ou dans l’expulsion forcée de 8 161 Roms de leur maison par les autorités françaises en 2017.
Matteo Salvini veut mettre en place un profilage « ethnique » des Roms
httpv://www.youtube.com/watch?v=NM4-sjkDqc8
Les Roms occupent la position la plus basse dans pratiquement tous les indicateurs socio-économiques, y compris le niveau d’instruction et la progression scolaire, le chômage, l’espérance de vie et la mortalité infantile. Une étude sur les attitudes sociétales à l’égard de différents groupes – dirigée par Sadaf Lakhani, Audrey Sacks et Rasmus Heltberg pour la Banque mondiale en 2014 – a révélé que les Roms occupaient une position aussi basse que les pédophiles et les trafiquants de drogue dans certains États européens. Depuis leur arrivée en Europe au XIVe siècle (en provenance de l’Inde), les Roms ont subi exclusion et discrimination. Il est impératif d’essayer de comprendre pourquoi.
La romophobie en question
Dans mon livre Romaphobia : The Last Acceptable Form of Racism, je montre que les préjugés anti-Roms ne sont pas seulement un artefact historique, mais se révèlent activement reproduits par des acteurs et des institutions qui cherchent à renforcer leur position au pouvoir. La romophobie se définit tout d’abord comme la haine ou la peur des personnes perçues comme étant Roms, Tsiganes ou « du voyage » et implique l’attribution négative de l’identité d’un groupe. La romophobie est donc une forme de racisme, taillée dans la même étoffe que celui-ci. Elle entraîne marginalisation, persécution et violences.
Pour comprendre d’où vient la romophobie, il est nécessaire de saisir les relations et les processus qui l’ont historiquement créée et l’alimentent aujourd’hui. Le nationalisme s’est avéré à maintes reprises la tactique privilégiée pour pacifier les peuples, en renforçant les liens affectifs de solidarité avec leurs soi-disant semblables.
Cette identité collective est construite par une élite politique qui revendique un territoire commun, une histoire, un mythe d’origine, une langue et/ou une religion commune afin de favoriser la solidarité. Cependant, la construction d’une identité collective est source de division et implique nécessairement la démarcation de frontières entre « eux » et « nous ». Ceci est délibéré : le but est de produire solidarité et stabilité au sein de la Nation. Mais cela peut s’effectuer en ciblant les minorités (y compris les communautés musulmanes et juives) qui, sans le vouloir, jouent un rôle important dans les processus de construction des nations en Europe.
Pourquoi les Roms plutôt qu’une autre communauté ?
La clé pour comprendre pourquoi les Roms sont marginalisés à travers l’Europe réside dans notre conception du territoire et de l’espace, ainsi que dans les processus de construction et de maintien de l’identité. Un exemple de ce travail identitaire est le stéréotype des Roms comme « nomades » itinérants qui n’ont ni foyer, ni racines fixes, ce qui sert à justifier leur exclusion.
Nulle part, les Roms ne sont considérés comme étant « des nôtres », comme membres de la société. En tant que peuple sans territoire, les Roms ne correspondent pas à la conception du nationalisme westphalien dans lequel une nation se confond avec un territoire souverain. Ils sont ainsi exclus de la vie publique, considérés comme une communauté problématique qui ne « rentre » pas dans la projection de la Nation. Cela fait des Roms des boucs émissaires de choix.
Dès les prémisses d’édification des nations, les Roms sont instrumentalisés pour servir les intérêts de l’élite politique. Ils sont exclus de l’articulation de la Nation, leur différence exploitée tel un carburant pour construire la Nation comme correspondant à « nous » (la majorité) et non pas à « eux » (Roms). Les Roms, en tant qu’identité fortement construite et policée, deviennent ces « autres » nécessaires, positionnés en dehors de la Nation. Ceci est la règle historique et non une exception récente. Les Roms n’ont pas seulement été exclus de quelques nations, mais de toutes les nations d’Europe. Ils ont été stigmatisés et persécutés dans tous les États européens à un moment ou à un autre. L’expérience historique des communautés roms en Roumanie, en Slovaquie ou en Espagne a été singulière dans chaque cas, mais elle traduit cette même romophobie. Les politiciens « construisent » les Roms et les traitent comme une entité distincte et problématique habitant l’État, mais séparée de la Nation. Avec des résultats prévisibles.
Historiquement, tous les actes de violence généralisée et le traitement déshumanisant des Roms (expulsion, déportation, assassinat, mise en esclavage…) ont été appuyés par des projets de construction nationale. Il est donc raisonnable de se demander si l’exclusion des Roms est délibérée, en tant que sous-produit de la construction de l’État et de la Nation. Si tel est le cas, alors la romophobie ferait partie de la matrice du nationalisme européen et les exemples persistants de romophobie ne devraient pas nous surprendre.
La romophobie, dernière forme acceptable de racisme
Au vu des attitudes très majoritairement négatives à l’égard des Roms à travers l’Europe, la romophobie apparaît largement acceptable. Celle-ci est présente dans les conversations informelles à la maison et au travail, dans les représentations stéréotypées de gitans carnavalesques dans les médias, lorsque les autorités de l’État accusent les Roms d’enlever des enfants aux cheveux blonds et aux yeux bleus, lorsque les urbanistes placent les Roms dans des ghettos, lorsque les élites politiques prennent les communautés roms pour cibles et rasent leurs maisons ou les expulsent en masse…
L’identité même des Roms est considérée comme dérangeante ou menaçante.
La confusion généralisée entre culture rom et criminalité dans des pays comme la Hongrie ou l’Italie en témoigne, tout comme l’expulsion récurrente des communautés roms de leurs foyers en France.
En Europe aujourd’hui, il importe de tenir compte des leçons du passé, comme la manière dont le ciblage des Roms a conduit à la tentative de leur extermination par les Nazis.
Le fascisme et le populisme de droite ne sont plus marginaux, mais redevenus ordinaires : ils font l’objet de discussions ouvertes dans les médias par des politiciens en quête de moyens expéditifs pour engranger des soutiens. Le nationalisme contribue ainsi toujours aussi efficacement à répandre cette idéologie de haine et d’exclusion.
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Aidan McGarry – Reader in International Politics, Loughborough University
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