(French) Action et Réaction: Créer des Passerelles Avec Soi-Même

ORIGINAL LANGUAGES, 24 Oct 2011

Heshmi Ferjani – UNSpecial

Chacun réagit à ce qui lui semble ne pas convenir à son mode de pensée, à ses habitudes, parfois à ce qui peut l’interpeler au plus profond de lui-même.

La réaction exige de nous une énergie formidable : La force que je mets pour libérer une personne bloquée derrière une porte est incommensurable.

La réaction est salutaire dans une certaine étape de notre cheminement. Elle peut être aussi une façon d’exister : je m’oppose, donc je suis.

Cependant, elle ne nous permet pas d’avancer. Lorsque je m’oppose, par esprit de contradiction pour le plaisir de m’opposer, je suis en arrêt. L’état réactionnel véhicule aussi le message implicite du « tu as tort, j’ai raison », et induit une notion de pouvoir sur l’autre.

L’action, de son côté, est un positionnement. C’est une énergie qui va dans le sens de ce que nous considérons comme juste. Je ne suis pas contre la guerre, je suis pour la paix ! Je ne suis pas contre tel ou tel parti politique, je suis pour une démarche qui allie respect de soi et de l’autre, prise de conscience, élévation, solidarité et ouverture. Je suis pour honorer et reconnaître l’action de l’autre ainsi que ses idées même si elles sont différentes des miennes.

Par l’action, j’alimente mon projet en forces puisées dans mon potentiel, mes capacités et mon énergie. Je me positionne en avançant ce projet pour moi-même, ma famille, mon quartier, ma ville, ma région, mon pays, voire pour contribuer au mieux-vivre de la planète entière.

Le monde qui m’entoure n’est qu’une succession d’images que je projette dans la réalité. Ces images correspondent à mon for intérieur, mes peurs, mes craintes, mes colères, mes zones d’ombre, mon propre autoritarisme, ma propre intolérance vis-àvis de l’autre ; mais aussi mes moments de joie, de bonheur, de création, de lien avec tout ce qui vit : des chants de merles et de rossignols à l’éclosion des bourgeons des amandiers, En un mot, ma vision extérieure est perçue à l’image de ce qui est à l’intérieur de moi.

Dans ma réaction, je suis mû comme par une force invisible dans mon interaction au quotidien avec ce qui va entrer en résonance, faire écho à ce qui se passe en moi, soit pour me conforter dans mes certitudes et croyances, soit pour me déranger et m’emmener vers ce quoi je bute au moment présent, qui peut être une répétition de situations avec juste un changement de décor. Et alors revient cette sensation de « remake », de me retrouver toujours dans la même situation avec juste les acteurs qui changent. Le leitmotiv est là constamment comme pour me ramener à moi-même. Le schéma de répétition se rejoue pour m’aider à faire émerger la partie invisible de l’iceberg afin que je puisse peut-être me rendre compte que l’autre est un révélateur de ce qui se vit à l’intérieur de moi, à mon insu. Si je n’entends pas, le plat m’est resservi encore et encore, autant de fois qu’il le faudra, toujours plus copieux, jusqu’à l’écoeurement, l’indigestion.

Dans la société, nous fabriquons nos gouvernants et nous nous en débarrassons parfois.

Se débarrasser de la tête, du chef, de l’autorité incriminée, injuste, sans soigner le reste des membres de la société, des citoyens eux-mêmes, ne peut nous ramener qu’au point de départ, à savoir un autre chef ayant une devanture différente mais un fond similaire.

C’est la raison pour laquelle nous devons nous atteler aux mémoires de chacun d’entre nous, pas seulement les souvenirs. Il s’agit de nettoyer les mémoires invalidantes relatives surtout aux premières années de notre vie. C’est une nécessité. Il est question ici de revisiter des pans entiers de notre histoire personnelle pour alléger le poids des événements et cicatriser les blessures des enfants que nous étions. Parfois c’est notre façon d’avoir vécu l’événement qui lui donne cette imprégnation, cette ampleur. Il s’agit alors de sortir du rôle de la victime pour se responsabiliser, se redresser, comme un arbre qui se nourrit du ciel et de la terre, en puisant dans nos ressources insoupçonnables. Il suffit juste de jeter un rapide coup d’oeil sur les années écoulées de notre vie pour se rendre compte du potentiel que nous avons. Potentiel parfois voilé par les événements du quotidien et qui ne demande qu’à être révélé et manifesté.

Si nous voulons un autre monde, meilleur, nous ne pouvons faire l’économie de mieux nous connaître nous-mêmes afin d’alléger nos propres fardeaux et d’être prêts à accueillir ce qui est nouveau, en harmonie avec cette nouvelle étape de connaissance, re-co-(n) naissance de nous-mêmes. Ne pas le faire, le remettre à plus tard ou tout simplement l’occulter, ne fera que maintenir le même schéma dans nos têtes pour continuer à faire des ronds sur place, et être manipulé par notre partie inconsciente, qui tire les ficelles à notre insu. En fait, le point de départ, ce n’est sûrement pas l’autre, mais moi.

En fait, le point de départ, ce n’est sûrement pas l’autre, mais moi.

En conséquence, si nous voulons des responsables différents à tous les niveaux d’autorité répondant à nos aspirations et à celles du plus grand nombre, si nous voulons une gestion de la cité plus respectueuse de nos aspirations, il y a nécessité à combler nos manques et de déprogrammer nos failles afin de laisser la place désormais aux zones de lumière, à l’autorité juste, au courage, à la tolérance, au respect, à l’empathie et à l’humanisme.

C’est une démarche de longue haleine qui pourrait être déclenchée par un sursaut, un événement personnel douloureux, une crise de milieu de vie ou simplement en détournant la tête du mur d’en face pour regarder au loin vers l’horizon. Car le face-à-face et la cogitation continuelle du mental qu’il entraîne, épuise. Si je fais l’expérience de me mettre juste à côté de l’autre pour diriger mon regard dans la même direction que lui, je peux avoir un autre angle de vision. Cela ne veut pas dire que nous allons être d’accord sur tout. Il s’agit juste pendant un instant de créer un lien qui ne traverse pas la tête, qui ne passe pas nécessairement et de façon éphémère par le mental, mais qui touche le coeur, qui rentre en résonance avec les valeurs de l’autre. Car l’autre n’est pas mon ennemi. Un pont qui me permet de tisser un lien avec mon prochain dans son humanité, en quête de compréhension et d’acceptation tout comme moi. Et là, je contribue à ouvrir la voie pour que la tension diminue et que le sentiment d’opposition s’estompe.

Nous avons ainsi la possibilité de sortir du tac au tac pour entreprendre un vrai travail sur nous-mêmes afin que nous soyons le changement que nous voulons, afin que nos dirigeants et nos gouvernants soient réellement la projection et le reflet de ce que nous sommes.

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Heshmi Ferjani, M.A., Médiation, Traducteur et Médiateur hferjani@unog.ch

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