(Français) Halte au « BRICS bashing »!
ORIGINAL LANGUAGES, 3 Mar 2014
Il est de bon ton en ce moment, dans nos milieux économiques, de faire du « BRICS bashing », en considérant ces marchés émergents comme fragiles et volatiles. On leur reproche un fort ralentissement de la croissance économique et de sérieuses difficultés financières et monétaires liées à leurs déficits courants excessifs, à la limitation de la politique monétaire expansive de la Réserve fédérale américaine (banque centrale, Fed) à l’été 2013 et au profil d’endettement privé de leurs entreprises. Un peu court peut-être, même si tout cela est en partie exact…
Certes, dans les BRICS (Brésil, Inde, Russie, Chine et Afrique du Sud), comme dans d’autres marchés émergents, la croissance est moindre que celle envisagée il y a deux ans. Mais soyons réalistes. Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse sa prévision de croissance des BRICS pour 2014, mais pour la ramener de 6,5 % à… 4,2 % ! C’est-à-dire pratiquement deux fois la croissance prévue pour les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, + 2,2 %). Sans parler, par pudeur, de celle pour la zone euro (+ 1 %)…
Côté financier, on comprend bien que la réduction du soutien de la Fed a amené des retraits massifs chez de nombreux gestionnaires d’actifs des émergents. Mais plusieurs d’entre eux ont résisté, en privilégiant une approche long-termiste, nécessairement gagnante, vu la demande locale. A cela s’ajoutent dans plusieurs pays des politiques de réformes structurelles lourdes et un secteur bancaire solide.
Les fondamentaux demeurent donc bons. Quatre raisons au moins doivent alors amener les entreprises françaises à rejeter le « BRICS bashing » auquel se livrent certains experts occidentaux, peut-être par réflexe de supériorité un peu suranné. Il n’est pas question de considérer que tous ces pays sont sur la même trajectoire, loin s’en faut. Mais retenons quelques points qui leur sont communs.
GROS INVESTISSEMENTS
Primo, la plupart font face à une demande massive de « nouveaux consommateurs » de biens et services, issus des couches pauvres que les politiques publiques ont amenées à un niveau de consommation inconnu jusqu’alors : 36 millions de nouveaux consommateurs au Brésil sur 200 millions d’habitants, autour de 300 à 400 millions en Chine, au moins autant en Afrique subsaharienne dans les dix ans à venir.
Cette demande, durable, concerne notamment des secteurs sur lesquels nos entreprises, souvent grâce aux synergies nées de la logique des pôles de compétitivité, ont acquis des positions de leader à travers des produits innovants : fibres textiles, produits pharmaceutiques, secteur hospitalier, filières agroalimentaires, etc. Autant de secteurs sur lesquels l’offre française peut légitimement être « agressive », pour autant que notre approche soit celle d’un partenariat de long terme, avec un contenu local fort, c’est-à-dire créateur de valeur pour tous.
Deuxio, la géopolitique nous montre tous les jours que les gros investissements se font et se feront dans les dix prochaines années dans les BRICS et autres pays émergents. Ne revenons pas sur la Russie et Sotchi. Pas davantage sur la Coupe du monde de football (2014) et les Jeux olympiques (2016) au Brésil.
Mais pensons aux projets d’infrastructures colossaux en Turquie, en Indonésie, au Vietnam, etc. Là aussi, les entreprises françaises sont leaders. Et pas seulement les plus grandes, qui ont toutes déjà fait cette analyse géostratégique. D’autres, plus petites, dans l’ingénierie, les structures portuaires ou aéroportuaires peuvent – doivent ? – mieux attaquer ces marchés, qui cherchent souvent des partenaires prêts à de vrais transferts de technologie, d’abord par la formation de cadres locaux.
RÉEL AVANTAGE CONCURRENTIEL
Tertio, une des difficultés majeures des politiques publiques de ces pays, démocratiques ou non, est de devoir « tout faire en même temps ». De nombreux hauts responsables politiques en Afrique, Amérique latine ou Asie vous disent ainsi sans détour qu’il est difficile de concevoir des plans globaux qui puissent prendre en compte les quatre évolutions majeures auxquelles ils doivent faire face : apparition de nouvelles couches de consommateurs, réalisation urgente de nombreuses infrastructures, urbanisation accélérée des populations et enfin croissance forte des demandes de politiques sociétales responsables.
A cet égard, la Chine est un excellent exemple, qui a élaboré depuis plusieurs années des règles en matière de protection sociétale et environnementale réelles, contrairement à la vulgate répandue chez nous. Aucun angélisme, pour autant, bien sûr. Mais la caricature d’un gouvernement brésilien sacrifiant des milliers d’hectares de forêts ou d’un gouvernement chinois peu attentif aux simples règles de protection des ouvriers sur un chantier est un peu datée…
La combinatoire de ces problèmes à résoudre porte un nom : la conduite de projets complexes. Un domaine dans lequel les entreprises françaises sont, là encore, reconnues comme ayant un réel avantage concurrentiel, quel que soit le secteur. Ne laissons pas d’autres y aller à notre place.
Enfin, ces pays ne sont pas seulement des marchés attractifs par eux-mêmes. Leurs entreprises opèrent de plus en plus dans des pays tiers. Voyez les entreprises chinoises ou indiennes en Afrique, ou les entreprises brésiliennes en pays lusophones, y compris au Portugal… Développer des partenariats avec les entreprises des grands émergents, c’est aussi s’ouvrir de nouvelles opportunités au-delà de leurs propres marchés, vers des marchés relais dans des pays « nouvellement émergents ».
Ces quatre raisons ne doivent évidemment pas effacer les difficultés : problèmes de gouvernance, risques de corruption et parfois lourdeurs protectionnistes. L’exercice classique est alors de limiter le risque, par l’intermédiaire notamment du choix des partenaires locaux. En tout cas, il serait regrettable que la mode du « BRICS bashing » soit synonyme de non-création, voire de destruction de valeur pour nos entreprises, au moment où elles cherchent des relais de croissance à l’international. Agir maintenant, à contre-courant des vents dominants, signifie des moindres coûts de développement et un accueil local plus bienveillant !
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Gérard Wolf est président de la société de conseil BRICS Access et président du Conseil des chefs d’entreprise France-Afrique australe au sein du Medef International.
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